INTERVIEW

JONAS GERCKENS

Le navigateur belge Jonas Gerckens, inscrit à la 2ème édition de la Globe40 revient sur son parcours et se confie sur son rêve de tour du monde…

Originaire de Liège en Belgique, comment as-tu découvert la voile et cette passion pour la course au large ?

Lorsque j’avais deux ans, mes parents nous ont amené vivre sur un bateau pendant presque 4 ans. Mon père avait construit en amateur éclairé un bateau sur l’ile Monsin près de liège. Le bateau a été mis à l’eau à Liège puis nous avons descendu les canaux jusqu’à la Méditerranée où on a fini de préparer le bateau avant de partir pendant 3 ans et demi sur un tour de l’Europe surtout en Méditerranée et au Portuga. Je n’ai pas beaucoup de souvenir de cette période mais indirectement cela a dû m’apprendre à bien vivre en mer et apprécier ce milieu-là. Après ces 3 ans et demi, on a atterri à Saint-Malo et mes parents avaient l’objectif de construire un bateau via un chantier professionnel pour ensuite partir autour du monde en famille. Malheureusement la coque a été raté par le chantier, s’en est suivi un procès et donc au lieu de rester une année à Saint Malo on est restés bien plus longtemps que ça pour au final jamais partir autour du monde pour des raisons financières.

Autant pour mes parents, cela a été très compliqués, autant pour moi cela a été le paradis. J’ai découvert réellement la voile à ce moment là où je pratiquais l’optimist à l’école primaire mais aussi à l’école de voile. La cours de récréation était à 50m de la plage.

C’est aussi à cette période que j’ai découvert le départ de la Route du Rhum et cela m’a vraiment fait rêver et m’a fait dire à mon jeune âge qu’un jour j’aimerais bien faire cette course là… voilà comment c’est parti !

Tu es avec Denis Van Weynberg (skipper belge engagé sur le Vendée Globe) un peu les têtes d’affiches de la voile Belge, quelle est la place de la course au large en Belgique ?

La course au large en Belgique commence en effet à prendre de l’ampleur, il y a toujours eu des Belges performants en Mini 6.50 en tout cas. Il y a toujours eu une tradition Mini assez forte que ce soit en Série ou en Proto à chaque édition depuis presque le début. Après c’est vrai que sur des plus gros projets, cela a toujours été un peu plus compliqué parce que culturellement ce n’est pas ancré comme peut l’être le foot ou le cyclisme en Belgique. Il ne faut pas oublier en tout cas que la Belgique Francophone a accès aux médias français donc on entend quand même parler d’événements comme le Vendée Globe ou la Route du Rhum. C’est comme dans tout sport je pense, il faut qu’il y ait des bons résultats au haut niveau pour que les gens s’y intéresse un peu plus. C’est ce que j’essaie de faire depuis plusieurs années que ce soit en Mini ou maintenant en Class40.

Ton abandon sur la Route du Rhum 2022 suite à des problèmes de santé a été un vrai coup dur pour toi et ton équipe, comment ressors-tu de cette période difficile ?

Effectivement, cela a été une période très compliquée étant donné qu’une Route du Rhum c’est tous les 4 ans. C’est toujours la même chose, si tu annonces à un footballeur ou un athlète qui va rater la Coupe du Monde ou les Jeux Olympiques c’est toujours un coup dur. Ce n’est pas un événement annuel et demande beaucoup d’investissement à mon niveau mais aussi pour toute mon équipe qui est derrière moi et qui prépare ces projets de manière intense. Quand la course s’arrête au bout de 3 jours, ça a été très difficile à encaisser et à rebondir derrière. J’ai eu une grosse période de flou mais après la passion revient vite, le projet revient aussi. On essaie d’apprendre de ses échecs même si le risque zéro n’existera jamais. Mon équipe et moi essayons de rebondir là-dessus avec ce projet et des partenaires qui se développent aussi en Belgique.

Ta saison 2024 sera marqué par le championnat du monde de course au large mixte au mois de septembre avec les Red Dolphins, comment prépares-tu cette grande échéance ?

Il y a un double projet. Le projet principal reste le Class40 avec les deux courses Atlantic Cup et Québec Saint Malo dans l’objectif de préparer le bateau et l’équipage pour la Globe40 en 2025. Ca va nous permettre de faire un check complet du bateau, de le fiabiliser et de voir les améliorations que l’on peut faire dessus.

Le projet Red Dolphins s’est rajouté ensuite parce que World Sailing a appuyé pour mettre en avant cette épreuve de course au large double mixte pour potentiellement redevenir une discipline olympique dans le futur. Ça m’a bien motivé d’une part pour représenter la Belgique parce que la fibre patriotique est toujours là et puis ce championnat va aussi me permettre de naviguer en double avec Djamila Tassin qui est une petite jeune qui monte dans la Classe Mini et qui fera partie des co-skippers sur la Globe40. On va donc pouvoir s’entrainer ensemble dans un format que je maitrise moins à savoir la régate en flotte et au contact.

Parlons maintenant de la Globe40 tu es inscrit à la 2ème édition, comment t’est venu l’idée de participer à ce tour du monde ?

Faire un tour du monde est un rêve de beaucoup de marins. Dans mon cas, cela passait par un mode compétition parce que j’aime ca. La Globe40 est justement un format sympa qui mixe compétition et aventure avec de belles rencontres humaines sur les escales. Je reviens un peu aux origines de mes motivations dans le sens d’aller à l’aventure sur les océans le plus vite possible. Après il a fallu vendre le projet aux partenaires et monter une équipe donc ce n’était pas gagné d’avance mais l’idée de sortir du circuit Class40 traditionnel a plu à mes partenaires historiques et aux nouveaux.

On va se retrouver sur un format de course qui est assez exceptionnel. L’engouement commence à prendre au niveau des concurrents et je pense qu’il va y avoir une super 2ème édition avec une forte compétitivité et du match. La Globe40 va nous permettre de découvrir le monde, c’est un atout essentiel de cette course. La Globe40 est vraiment un super projet.

L’arrivée de Curium comme nouveau partenaire te permet d’avoir un programme ambitieux sur 3 ans, comment as-tu rencontré Renaud Dehareng, PDG de Curium Pharma ? 

La première fois que l’on s’est rencontré était sur les pontons de la Route du Rhum en novembre 2022 avant le départ. Il m’a juste dit qu’il avait un bateau et qu’il était belge et donc que ce serait bien de s’associer pour rassembler les forces vives belges sur un projet. On en a reparlé après la Route du Rhum et cela s’est finalisé en juillet 2023 où Curium est rentré dans le projet pour 3 ans en plus de Volvo et en plus d’un 3ème partenaire que l’on annoncera dans quelques jours.

Avec le soutien de Volvo, Curium et donc de ce 3ème partenaire, tu seras à la barre d’un Class40 toute dernière génération, à savoir le numéro 187, quelles sont tes premières impressions et quelles sont les principales différences avec ton ancien bateau ?

Pour être honnête je n’ai pas encore navigué sur le nouveau bateau donc c’est compliqué de te faire un retour. On a un chantier beaucoup plus important que prévu et qui nous a mis en retard sur le programme 2024. Le bateau fera ses premières navigations cette semaine pendant la banque images d’ailleurs ! Historiquement je sais qu’il est beaucoup plus puissant que mon ancien bateau avec des énormes différences de puissance aux allures de près et de reaching. Le 164 était réputé pour bien passer la mer dès qu’il y avait des conditions musclées donc on va essayer de garder les forces du 164 et d’améliorer le 187 dans ce sens. Les navigations en 2024 vont être importantes pour voir ce qui fonctionne et ce qui fonctionne moins bien afin d’optimiser cela sur le chantier de l’hiver prochain.

Ton équipage est déjà en partie constitué, peux-tu nous en dire un peu plus sur ton équipe et les personnes qui t’accompagneront autour du monde ? 

On est une équipe de 4 personnes qui va tourner sur les étapes.

Renaud Dehareng qui est co-skipper mais aussi propriétaire et sponsor du bateau. C’est Renaud qui connait mieux le bateau que tout le monde puisqu’il a déjà plusieurs courses à bord. La jeune belge Djemila Tassin complètera l’équipe. Elle à déjà fait 2 Mini Transats et est récemment devenue Cap Hornienne lors de l’Ocean Globe Race. Enfin Benoit Hantzberg, mon co-skipper historique avec qui j’avais terminé 4ème de la Transat Jacques Vabre sur le Class40 164 fera aussi quelques étapes.

Où en es-tu dans la préparation de ce projet ?  Quel est ton programme sportif jusqu’au départ de la Globe40 en 2025 ? 

Le sujet principal était de boucler un budget minimal pour poursuivre le projet et nous sommes aujourd’hui en très bonne voie et relativement tôt dans la préparation donc c’est positif.

Au niveau sportif, en 2024, nous allons donc faire une transatlantique en convoyage au mois d’avril, une Atlantic Cup au mois de mai et enfin la Transat Québec Saint Malo en mode équipage avec en autre Corentin Douguet qui va nous aider dans la performance du bateau. Pendant que je serai sur le championnat du monde double mixte avec Djemila Tassin, le bateau participera à la CIC Normandy Channel Race avec Benoit Hantzberg. Toutes ces échéances nous permettront d’avoir une job liste complète pour le chantier d’hiver avant le départ de la Globe40. Pour 2025 le programme n’est pas encore défini mais l’objectif est d’être rapidement à l’eau pour tester le jeu de voiles que l’on amènera au tour du monde.

J’imagine que vous avez suivi de près la 1ère édition, que retiens-tu de cette course et quel moment t’a le plus marqué ?

Les images des escales étaient vraiment superbes. C’est des endroits où nous n’avons pas l’habitude d’aller que ce soit dans l’Indien ou le Pacifique. Cela nous rappelle que notre monde est joli et j’ai hâte de découvrir ces nouvelles terres que je ne connais pas.

La deuxième chose marquante était le fait que malgré qu’il n’y ait pas énormément de bateau pour différentes raisons, la course était très intéressante à suivre avec du match au niveau sportif. Il y a d’ailleurs eu du suspense jusqu’à la dernière étape.

Enfin la dernière chose à retenir c’est que mine de rien, il y a eu pas mal de casse ou de pépins techniques et qu’il faut donc bien en avoir conscience dans la préparation du tour du monde. Il faudra être capable de répondre à tous types de soucis techniques.

Quels sont tes objectifs et ambitions sur la Globe40 ?

L’objectif premier comme n’importe quelle course est de la terminer. Si on arrive à boucler ce tour du monde avec le bateau, le résultat sera forcément positif. On vise à minimum le podium. J’espère qu’il y aura de la concurrence et qu’il y aura du match à chaque étape. Au-delà de l’aspect sportif, nous aurons à cœur d’amener le bateau à chaque étape et découvrir ces superbes étapes qui seront magiques

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